DICTIONNAIRE des TERMES BOUDDHIQUES français, japonais, chinois, sanskrit, pali Les 5   niyama   | 
            
				
               | 
        
Nous trouvons les plus anciennes   références aux niyama dans les Yoga sûtra, recueil de textes sur lesquels   s’appuie le rajah yoga. Cet ouvrage décrit une liste de cinq préceptes, les cinq niyama, qui prônent la retenue morale à   travers des attitudes, des pratiques et des comportements vertueux 
              
         (note). Dans ce contexte, il a le sens de   retenue, réserve, limitation, discipline
              
         (réf.), etc. Quand il apparaît, vers le Ve siècle, dans des commentaires de   textes bouddhiques de Buddhaghosa et Buddhadatta 
    		      
    			 (note), son sens a changé, il se   rapproche du verbe sanskrit dont est dérivé niyama
    		      
    			 (note)        
    		: niyam 
    		. S’il évoque toujours la   contrainte, il ne s’agit plus de celle que l’on s’impose à soi-même mais plutôt   des contraintes que sont, pour les êtres sensibles et non-sensibles, les lois   universelles, les mécanismes naturels, les impondérables ou encore les relations   de causes à effets. Si les niyama sont au nombre de cinq pour le bouddhisme   comme le yoga, rien ne semble relier les premières aux secondes. Commençons   par cette brève description : – La   contrainte des saisons est engendrée par des phénomènes   météorologiques, géologiques, et en dernier lieu à des contraintes dues aux lois   de l’astrophysique : rotation de la terre sur-elle-même et autour du soleil,   pesanteur, rayonnement solaire, mécanismes des fluides, etc. Il s’agit donc des   contraintes des lois de la physique : gravitation, champs électromagnétiques,   thermodynamique, théorie de la relativité, physique des particules, etc. Dans   ces domaines qui traitent de la matière et l’énergie pures, de l’infiniment   petit à immensément grand, tout phénomène repose sur la loi de causalité. Dans   ce sens, l’effet est un changement d’état d’un système physique étudié, dû à   des causes et forces qui s’exercent sur ce système. Au sein de ce champ d’étude,   il n’y a aucune place pour le hasard ou une intervention « extérieur ». C’est   seulement une méconnaissance de certains mécanismes ou leur trop grande   complexité qui représentent un obstacle à la compréhension humaine. – La contrainte   des graines ou   des germes, nous l’avons dit, est aussi celle la transmission héréditaire. Ainsi   des chiens engendrent des chiens, et non un autre animal. Un noyau de mangue   planté dans de bonnes conditions produira un manguier de la même espèce et de la   même variété que le fruit dont il est issu 
    		      
    		 (note). Nous pouvons pousser plus loin la   contrainte : un enfant humain ne pourra pas devenir un être autre qu’humain en   prenant de l’âge, de même qu’un plante en grandissant ne changera pas d’espèce.   Comme il existe une cohérence externe dans le processus de la reproduction, il y   a une cohérence interne à la vie de tous les êtres vivants (laissons de côté les   mutations qui sont des cas à part et souvent se traduisent par des atteintes à   l’intégrité de la personne comme dans les cas de cancer). Ainsi, selon ces   contraintes, un être vivant garde une cohérence tout au long de sa vie, il ne   change pas de génome ni de code génétique, mais en même temps, il vieillit.   Privé d’apport énergétique extérieur, il meurt, ou pour certaines formes de vie   telles les graines, bactéries ou virus, il peut entrer dans un état de latence   totale sur des périodes de temps considérables en attendant qu’apparaissent des   conditions favorables à sa réactivation. – La contrainte   de l’esprit,   les lois du domaine intellectuel, l’ordre du processus de la pensée. Notre   esprit ne cesse jamais de penser. Il se peut qu’il émette des idées sans suite,   qu’il saute « du coq à l’âne », mais la plupart du temps, qu’il soit isolé,   participe à une conversation ou attentif au sein d’une collectivité, il   fonctionne selon une logique, un mécanisme particulier : associations d’idées,   appel à la mémoire, réflexion, etc. C’est ce qu’ont pu montrer en Occident les   psychanalystes et les psychologues. Nous savons aussi que chacun d’entre nous a   des capacités intellectuelles, une personnalité, un caractère et un tempérament   propres. Les mécanismes de l’esprit s’exercent donc avec des variations d’une   personne à l’autre, et ces variations nous prouvent qu’il représente bien une   contrainte qui nous limite parfois ou, au contraire, nous conduit trop loin.   Enfin, la contrainte de l’esprit peut s’appliquer collectivement à une famille,   un groupe de personnes, une nation pour donner naissance à des opinions, des   mythes,des préjugés, elle entre alors dans la catégorie des relations   sociologiques. – La contrainte   du karma, la   causalité morale ou plus exactement la causalité de l’acte (pensée, paroles,   action), qui nous lie au cycle des naissances et des morts. Nous ne développerons   pas ce sujet qui a été sur ce blog dans l’article suivant (voir Dharmadico : l’article sur le karma) – La contrainte   du dharma,   c’est-à-dire des événements qui sont liés à la qualité du bouddha ou à ses   capacités. Les textes bouddhiques citent notamment le tremblement des dix mille   systèmes du monde à la conception du Bouddha (ou des grands bodhisattvas), dans   le sein de sa mère et à sa naissance. Nous pouvons également évoquer les   pouvoirs, en apparence « magiques », des bouddhas qui sont décrits dans de   nombreux sûtras. À l’inverse, les phénomènes météorologiques, géologiques,   astrophysiques – la contrainte des saisons – ont la capacité de détruire toute   vie sur Terre. Buddhaghosa, puis Buddhadatta, ont   tiré la théorie des cinq niyala de commentaires bouddhiques (abhidhamma) et d’un   sûtra le Mahapada   sutta. Pour   autant, rien ne semble lier celle-ci directement, globalement ou intégralement   aux paroles du Bouddha. Il pourrait s’agir d’une synthèse de principes tirées de   ces paroles telle que Zhiyi et l’école Tientai ont pu en faire plus tard (voir   les trois mille mondes), mais réalisée par des exégètes Indiens ou Cingalais, ou par les deux moines continentaux eux-mêmes. 
    		
    		 (note)      
    		Parmi ce qui fait écho à la théorie   des cinq niyamas, nous trouvons dans l’Anguttara nikaya des références au dhamma-nikaya.   Dans le Sivaka   sutta, le Bouddha   évoque certaines causes comme les changements de saisons, les combinaisons   d’humeur corporelle, les traitements sévères, qui nous rappellent les Six causes   de maladie, avant d’affirmer : « …Tous les brahmanes et contemplatifs qui ont   pour doctrine et opinion que tout ce que ressent un individu – agréable,   désagréable, neutre – est entièrement causé par ce qui a été fait auparavant   dépassent les limitent de ce qu’ils savent eux-mêmes, de ce qui est admis comme   vrai par le monde. Je dis que ces brahmanes et contemplatifs ont tort. »   Autrement dit, le seul mécanisme du karma ne peut explique tous les événements   et les expériences vécus par chacun de nous. Ce qui sous-entend qu’il existe   d’autres domaines, sinon de causalité, du moins de contraintes. Nous pourrions nous demander dans quel but des exégètes du Bouddha ont cherché à ériger en système ce que le Bouddha avait distillé à ses disciples de façon désordonnée ou tout au moins sans l’intention de décrire une théorie globale ? Peut-être ont-ils cherché à répondre à certaines critiques formulées à l’encontre de la philosophie bouddhique, comme la négation d’un démiurge créateur de l’univers et de ses lois ou encore à une interprétation déterministe du karma. Quoiqu’il en soit, comme la plupart des théories bouddhiques, les 5 niyama sont un point de vue sur une réalité insaisissable à l’intelligence humaine, ils ne sont la vérité elle-même, mais ils nous guident vers elle. Frédéric Chauvelier  |